Il y a quelques mois, dans un studio à l’ambiance troglodyte de la 26e rue de Manhattan, Sting débutait les répétitions pour son ambitieuse tournée symphonique au cours de laquelle il replongera dans son répertoire solo comme celui du groupe Police avec un orchestre de 45 musiciens (arrêt prévu à Paris-Bercy le 30 septembre). Se mouvant à la manière d’un chef d’orchestre en réécoutant ses nouvelles orchestrations, Sting redécouvrait la puissance de ses titres dans ces versions inédites : “Interprétées de cette manière, mes chansons sonnent de manière très puissante”, s’étonnerait-il presque, satisfait du résultat. “C’est comme être accroché à l’avant d’un train qui roule à toute allure !” De retour dans son appartement de Central Park West, l’ex-Policeman revenait sur l’origine de ce projet : “Cela remonte à 2008, lorsqu’on m’a invité à jouer avec le Chicago Symphonic Orchestra.”
Fin juin, C’est à Rabat au Festival Mawazine que Sting créait son spectacle avec l’Orchestre Royal Philarmonique du Maroc. Si certains titres de ses titres sont naturellement enclins à se voir réorchestrés de façon “classique” (“Moon Over Bourbon Street”, “Desert Rose”, “King Of Pain”, sans même parler de “An Englishman In New York”), d’autres sont totalement inattendues, voire improbables, comme le très punk “Next To You” ou cette étonnante relecture de “Message In The Bottle”, tout en préservant toute leur force, toujours portées par cette incroyable voix. “Roxane”, en revanche, se voit franchement plombée une fois drapée de violons, violoncelles et autres cuivres… “En fait, l’idée de base est de présenter un orchestre symphonique en Live à des gens qui n’ont jamais eu l’occasion d’en entendre un”, précise le musicien.
Et ça marche ! Pas de solennité, ni d’emphase, juste de la musique pour le plaisir de jouer et de réécouter des tubes qui, pour certains, ont servi de bande-son à toute à une vie. Bien sûr, tout cela n’a pas l’impact émotionnel de l’incroyable reformation de Police, mais force est de reconnaître qu’on est loin du dernier Tour de piste d’un artiste protéiforme qui cherche toujours à se réinventer.
Interview :
Vous avez emprunté et ajouté des éléments classiques tout au long de votre carrière. D’où vous vient votre passion pour cette musique ?
Voler serait le mot le plus adéquat ! Je n’ai jamais été éduqué à penser que la musique devait être divisée en sous-genres. La BBC joue aussi bien la Cinquième Symphonie de Beethoven que de la pop, voire du punk ! Rappelez-vous les premières diffusions par satellite, lorsque The Beatles jouaient “All You Need Is Love” avec un orchestre, cela a ouvert pas mal de portes.
Pensez-vous que vous allez passer le reste de votre vie sans rejouer avec The Police ?
Pourquoi pensez-vous que cela reste important ?
Parce que cette réunion fut un succès plus que phénoménal !
J’ai dû jouer avec des centaines de musiciens depuis des années et avec de belles réussites. Or, aucun d’eux ne m’a jamais demandé si j’allais rejouer avec eux. Je ne suis pas quelqu’un de très nostalgique, je m’ennuie facilement. Mon maître mot est de surprendre les gens et c’est ce qui avait avait présidé à la reformation de The Police :“Qu’est-ce qui pourrait le plus surprendre les gens que de reformer le groupe dont j’avais dit que je ne le reformerais jamais ?”
Quelle est l’histoire de cette basse Fender que vous n’avez jamais quitté pendant la tournée de reformation de The Police ?
C’est un modèle de 1954, donc un peu plus jeune que moi ! Je l’ai trouvée il y a une bonne vingtaine d’années, et elle ressemblait à une pauvre orpheline dont personne ne voulait. J’ai appris que Leo Fender avait bobiné les micros lui-même, un vrai magicien de la guitare.
Vous jouez sur cette tournée “I Hung My Head”, cette merveilleuse balade que vous avez composé en 1996. Que pensez-vous de la version qu’en a faite Johnny Cash ?
Qui mieux que lui pour chanter cette chanson ? Il s’est trompé sur un mot, c’est vrai. Mais je ne me voyais pas lui passer un coup de fil pour lui dire : “Hey Johnny, tu dois la réenregistrer !”.
Cette chanson parle d’un homme qui tue quelqu’un accidentellement. D’où vous est venue son inspiration ?
Juste une association d’idées. Ce n’est pas quelque chose que j’ai personnellement expérimenté. De la même façon que j’ai écrit “Tomorrow We’ll See” à propos d’un transsexuel prostitué sans que ce soit non plus du vécu…
Avez-vous un endroit préféré pour écrire et composer ?
Quand je marche ! J’écoute mes démos lorsque je me balade avec mon iPod. J’écoute aussi des trucs totalement invraisemblables. Actuellement, je suis à fond sur un compositeur estonien nommé Arvo Pärt, étrange et minimaliste.
Écoutez-vous aussi de la pop ? Un truc qui vous plait plus qu’un autre ces derniers temps ?
Je suis toujours à l’affût de trucs un peu bubblegum et surprenant. Et pour que je sois vraiment touché par de la pop, il faut que ça me surprenne vraiment. J’aime beaucoup Lady Gaga par exemple. C’est quelqu’un de très intelligent ; de plus, c’est une vraie musicienne qui sait aussi bien jouer du piano que de la guitare.
Lorsque j’ai interviewé Madonna l’an dernier, elle m’a confié vous trouver un peu intimidant.
Je l’aime bien, Madonna, je ne sais pas pourquoi elle est intimidée. Ce n’était pas dans mes intentions. Je suis juste quelqu’un de timide…
Elle me parlait de vous comme le gars qui restait assis dans son coin en train de jouant d’un vague instrument médiéval à 16 cordes…
(Il jette un regard ver son luth) Vingt-six cordes, en vérité.