"When You're Strange", documentaire consacré au Doors. Le réalisateur Tom DiCillo y dépoussière avec brio le mythe autour du groupe américain. Fils rouges : un film inédit de Jim Morrison et la voix off de Johnny Depp. Chronique et bande annonce.
Un fameux précepte veut que la légende soit parfois plus belle à imprimer que la vérité. Sur "When You’re Strange", Tom DiCillo en prend l’exact contre-pied : alors que l’histoire des Doors a accédé au rang de mythe, notamment avec le film d’Oliver Stone en 1991, le réalisateur new yorkais, repéré dans les années 90 avec "Ca tourne à Manhattan" ou "Une vraie blonde", a choisi de s’en tenir aux faits :
« Ca peut paraître cliché, mais pour moi rien n’est plus puissant que la vérité. Elle peut avoir un impact émotionnel incroyable, sans besoin de l’exagérer… Le mot clé du film est démystification, pas seulement de Jim, mais de l’ensemble de l’histoire ».
Tournage dans le désert
Parmi les abondantes archives dans lesquelles DiCillo a puisé, des images rares de concert, de séances studio, et surtout une vraie pépite : le film "HWY-An American Pastoral" de Jim Morrison, dont de nombreux plans articulent le film.
« C’est un film de 50 minutes que Jim a tourné dans le désert californien avec un groupe d’amis en 1969. Quand je l’ai vu, je croyais qu’il s’agissait juste d’images de Jim et non d’un film, mais j’ai été frappé par la puissance qui s'en dégageait et j’ai décidé d’en utiliser des passages : c’est comme si son esprit revenait pour nous emmener en voyage à travers le film. Je n’ai pas utilisé son montage, mais des plans que j’ai remontés moi-même. »
Déchirements de Morrison
"When You’re Strange" pose un regard neuf sur une épopée d’ombres et de lumières, en parfaite résonance avec son époque. Le film utilise au mieux les chansons du groupe, d’une fascinante diversité.
« Le groupe a produit tellement de bonne musique, s’enthousiasme DiCillo. Pour la séquence avec Riders OnThe Storm, j’ai utilisé de magnifiques images du film de Jim, que j'ai intercalées avec des plans de la guerre du Vietnam. »
Comme les autres membres du groupe, le batteur John Densmore a vu le film et le juge fidèle:
« On en était très satisfait, même si on avait certaines divergences, des commentaires, mais rien de décisif. C’est avant tout le film de Tom, s’il s’était trompé, on le lui aurait dit ».
Et les souvenirs d’affluer ?
« Ca m’a rappelé ce voyage étrange et créatif qui fut le nôtre il y a de nombreuses années, et que je continue de revisiter chaque nuit. Notamment la passion des débuts : on était le groupe résident du Whiskey A Go-Go et on voulait en remontrer à tout le monde, Captain Beefheart, Zappa, Van Morrison... Après, l’autodestruction s’en est mêlée. »
Sans faire l’impasse sur les déchirements de Morrison, DiCillo ne s’y complait pas non plus - à l’image de l’évocation très sobre de sa mort.
« Je n’étais pas intéressé par les polémiques. J’ai voulu utiliser autant de faits que possible, et si je n’en avais pas, je préférais ne rien dire. »
- When you're strange Un film de Tom DiCillo raconté par Johnny Depp